Mathieu Chèvre, jeune sprinter de Bassecourt, a récemment participé aux championnats d’Europe U23 en Norvège. Quelques jours avant son départ, il nous a raconté sa vie, son parcours et ses objectifs.

Champion d’Europe U20 en relais ou encore champion de Suisse sur 200m en salle, Mathieu Chèvre enchaîne les performances de haut vol, ces derniers temps. Il a d’ailleurs participé aux championnats européens U23 en Norvège, en ce mois de juillet. Mais au moment de l’interview, Mathieu est bien en Suisse. Il rentre justement d’un entraînement de relais dans la capitale, à plus d’une heure en voiture de chez lui. Pas facile de répondre à des questions sur une autoroute en pleine heure de pointe. Il faut dire qu’il s’en est bien sorti; il ne s’est (presque) jamais trompé de chemin.
L’air détendu comme à son habitude, mais toujours rempli d’énergie, celui qui se fait parfois appeler le goat, raconte son parcours sur le tartan depuis le départ. Il n’est pas hurdler, mais il a su passer par-dessus les obstacles qui se présentaient à lui pour progresser.
Pour commencer, peux-tu nous expliquer comment tu as commencé l’athlétisme ?
« Je dirais que j’ai commencé parce que mes deux grandes sœurs en faisaient. Ensuite, j’allais à l’entraînement pour voir les copains et faire le fou. Au fil des années, j’ai commencé à aimer la performance. J’ai aussi vu que j’avais de la facilité et que j’arrivais à me qualifier pour des finales suisses. Mais les premières fois, je terminais environ 20e, donc ce n’était pas encore ça ! C’est vers 13 ou 14 ans que je m’y suis mis un peu plus sérieusement, et que j’ai dû choisir entre l’athlé et le foot. »
Ce sport t’a-t-il toujours passionné ?
« À l’âge de 16 ans, je m’y suis vraiment mis sérieusement, et j’ai commencé à avoir une baisse de motivation, parce que je ne faisais vraiment que ça. Je n’avais pas non plus de grandes performances, donc j’en avais un peu marre. J’avais envie de faire une grosse pause d’un an juste pour sortir avec mes potes et faire du skate, sans se poser de questions. Juste kiffer. Finalement, je n’ai pas lâché, et à 18 ans, j’ai remporté mon premier titre de champion de Suisse U18 sur 200m. J’ai aussi remporté une médaille de bronze sur 100m. C’est là que j’ai capté que j’avais l’étoffe d’un grand, et que ce n’était pas le moment d’arrêter. »
Et la suite ?
« La même année, j’ai participé à ma première compétition internationale à Paris. En 2023, je me suis retrouvé au championnat du monde U20 en Colombie, avec le relais suisse. Ensuite, c’est la grosse pétée de ma carrière, avec le titre de champion d’Europe U20 en 4x100m. En 2024, je me suis blessé et je n’ai pas pu m’entraîner de la saison, donc c’était une saison blanche. En 2025, je m’inquiétais d’avoir perdu mes qualités, et finalement, j’ai fait des excellents chronos. Je pense que c’est aussi parce que j’ai changé de coach à ce moment-là. Ça m’a vraiment fait progresser parce que j’étais dans une autre mentalité. Ensuite, j’ai fait champion de Suisse chez les adultes en 21sec 18, sur 200m en salle, incroyable ! »
Que représente l’athlétisme pour toi aujourd’hui?
« Ça représente… je dirais… ma vie ! J’ai fait ça toute ma jeunesse. Sans mentir, dans 3-4 ans, je me vois pro et ne faire que ça, avec peut-être un petit job à côté pour gagner un peu d’argent. À la base, c’était un loisir qui est devenu un train de vie. Je mange, je dors, je taffe et je m’entraîne. Je ne fais que ça. Je m’entraîne 7 fois par semaine, dont deux fois le lundi, et je travaille à 80%, donc je n’ai pas le temps de faire autre chose. »
Qu’est-ce qui, selon toi, t’as permis de faire la différence et de sortir du lot ?
« Je ne dirais pas que c’est la discipline, parce que j’en ai pour aller à l’entraînement, mais ça m’arrive encore de sortir avec des potes et de boire environ une fois par mois. Par contre, quand je suis à l’entraînement, je suis à 100% dedans. Je me donne à fond et je pense à chaque point technique. Je pense que c’est mon esprit perfectionniste qui m’a aidé. »
Tu as aussi persévéré dans les moments difficiles, là où d’autres ont arrêté !
« Oui, c’est ça. Je connais des gars qui ont arrêté juste parce qu’ils n’étaient pas sélectionnés à une compétition, parce qu’ils n’avaient pas le mental. Je pense que j’ai au moins une dizaine de connaissances qui ont arrêté pour une blessure ou autre. »
Comment tu décrirais ton état d’esprit par rapport à ta quête de performance ?
« Je sais que les Jeux Olympiques et autres compétitions du genre sont possibles, mais je sais que ce sera très dur. Même si dans 6 ans, je n’y suis pas allé, tant pis. Au moins, j’aurai tout donné, je n’ai juste pas envie d’avoir de regrets. »
« C’est la vie de rêve que j’imaginais il y a 3-4 ans »
Parmi tout ce que tu as déjà accompli, qu’est-ce qui te rend le plus fier ?
« Pour le titre européen en relais, on savait qu’on pouvait le faire, mais on aurait été très déçus de ne pas le faire. Par contre, le titre de champion de Suisse, c’était vraiment chaud. En termes de satisfaction, je suis plus heureux du titre suisse. Je suis arrivé là-bas avec un record personnel de 21 sec 60, et j’ai gagné en 21 sec 10, une demi-seconde de moins ! C’est une grosse folie. En termes d’expérience, je dirais quand même le titre européen, parce que c’est une première médaille internationale, en plus avec les potes. »
Est-ce que tu as l’impression de réussir à prendre du recul sur ce que tu vis ?
« J’arrive à réaliser que c’est la vie de rêve que j’imaginais il y a 3-4 ans, quand je regardais les résultats des types qui faisaient des médailles européennes. Je suis déjà allé à Tenerife, en Turquie, en Chine, j’irai en Norvège et cet été, j’irai en camp d’entraînement en Grèce. Juste le fait de voyager avec le sport, c’est une sensation exceptionnelle. »
En regardant vers le futur, quels sont tes objectifs à court terme ?
« Je dirais les championnats européens adultes, en 2026 à Birmingham. Ça risque d’être tendu, mais j’ai des chances d’y aller en individuel sur 200m, ou sinon en relais. »
Et quel serait ton rêve ultime ?
« C’est la médaille aux JO hein ! (Il rit). Non, en vrai, le rêve c’est juste de participer, et après, on verra. Juste le fait d’aller là-bas et de dire que tu es un athlète olympique, c’est fou ! »
Nouvelles de Norvège: quelques jours après l’interview, Mathieu s’est qualifié pour les demi-finales européennes U23 sur 200m. En relais 4x100m, la sélection suisse a battu le record de Suisse U23 et s’est hissée jusqu’en finale.
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